Santosh, le regard de Sandhya Suri
Dans Santosh, présenté au Certain Regard, la cinéaste indienne Sandhya Suri suit les traces d’une jeune veuve qui, ayant hérité du poste de son mari au sein de la police, se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés d’une inspectrice autoritaire.
Qu’est-ce qui vous a incitée à travailler sur ce film ?
Depuis longtemps, je cherchais une manière significative de parler de la violence à l’égard des femmes. J’étais en Inde, où je faisais des recherches et travaillais avec diverses ONG, lorsque je suis tombée sur une image. Il y avait des manifestations dans tout le pays à la suite de l’affaire du viol collectif de Nirbhaya et cette photo, prise à Delhi, montrait une foule immense de manifestantes en colère, les visages contorsionnés par la rage, et face à elles, une ligne de policières qui les forçaient à reculer. L’une d’entre elles avait une expression si énigmatique qu’elle m’a fascinée. Lorsque j’ai commencé à faire des recherches sur les femmes agents de police, j’ai appris l’existence du programme gouvernemental dans le cadre duquel les personnes à charge d’agents de police décédés peuvent hériter de leur emploi. Au cours de mes recherches, j’ai passé du temps avec de nombreuses veuves. Certaines d’entre elles avaient mené une vie très protégée, ne quittant même pas la maison sans leur mari ou un parent, jusqu’à ce qu’elles commencent leur formation dans la police. J’ai été frappée par leur parcours : de femme au foyer, à veuve, puis policière. C’est ce sur quoi je voulais écrire et que je voulais regarder.
Quelle atmosphère régnait sur le plateau ?
Sur le plateau, l’atmosphère était moite, concentrée et axée sur le travail. Je suis particulièrement passionnée par le son et, connaissant l’Inde, je savais très bien à quoi nous pouvions être confrontés en termes de bruits incontrôlables de la vie quotidienne. Mon perchman, Shashi, gardait toujours une boîte de sucettes à portée de main pour les écoliers bruyants et, un jour, il a effectivement sauvé une scène de cette manière. La victoire fut cependant de courte durée lorsque, le lendemain, alors que nous étions lancés dans le tournage de la séquence la plus sombre du film, les haut-parleurs du village se sont mis à hurler des chants religieux !
Un mot sur vos acteurs ?
J’ai trouvé en Shahana exactement ce que je cherchais : un bon mélange de dureté et de douceur, une colère contenue et une énergie que j’ai toujours vues chez Santosh. Elle a superbement interprété toutes ces choses sur le plateau, avec professionnalisme et énergie, et il a été très facile de travailler avec elle. Sunita nous a présenté une Sharma vraiment humaine, pas un archétype. Son visage est tellement vulnérable. J’ai adoré cette couche qu’elle a apporté à son personnage… Sunita l’a magnifiquement interprétée.
Qu’avez-vous appris au cours de la réalisation de ce film ?
Venant du documentaire, le tournage de Santosh m’a permis d’apprendre à me sentir en sécurité dans l’univers de la fiction, de voir où je pouvais me sentir chez moi sur le plateau. La réalisation de ce film a pris beaucoup de temps. Ce qui a vraiment facilité la gestion du tournage, c’est le fait de bien connaître l’histoire et d’avoir fait de solides recherches. J’ai appris que je tolère assez bien le manque de sommeil et que je ne ferai jamais de choix qui me semblent erronés simplement parce que nous sommes pressés par le temps.