Nabil Ayouch réhabilite les cheikhates dans Everybody Loves Touda

Nabil Ayouch porte haut et fort le cinéma marocain en tournant autour des tabous de son pays. Après le djihadisme dans Les Chevaux de Dieu (Un Certain Regard, 2012) et la prostitution dans Much Loved (2015), il lève le voile sur des femmes aussi fascinantes que décriées, les cheikhates, dans Everybody Loves Touda, présenté à Cannes Première.

Touda danse, Touda chante, Touda boit. Dans son petit village, elle se produit dans les bars et vit chichement avec son fils sourd. Mais Touda rêve plus grand. Elle veut partir pour Casablanca afin de devenir cheikha, une grande artiste traditionnelle, et offrir à son fils l’opportunité de suivre des études.

Nabil Ayouch veut redonner leurs lettres de noblesse aux cheikhates, ces figures de la chanson autrefois admirées au Maroc, considérées comme l’âme de la population, mais aujourd’hui décriées. Le glissement s’est opéré lorsque, dans les années 1970, elles ont dû migrer vers les villes, adapter leur répertoire en conséquence et se produire dans les cabarets. L’alcool, le regard des hommes, des chants subversifs… ces femmes inspirent du désir comme de la répulsion.

À travers le voyage de Touda, Nabil Ayouch montre la puissance de ces femmes comme leur vulnérabilité. La violence et l’humiliation n’entachent pas la quête de son personnage. Partout, tout le temps, les hommes autour sont menaçants, même ceux de sa famille. Seule exception : ce vieux violoniste rencontré à Casablanca qui l’aidera dans sa quête artistique.

Pour l’écriture, Nabil Ayouch a collaboré avec sa femme, Maryam Touzani, membre du Jury des Longs Métrages l’an dernier et réalisatrice du délicat Bleu du caftan (Un Certain Regard, 2022) et de Adam (un Certain Regard, 2019). Dans ce film, elle dirigeait Nisrin Erradi, aujourd’hui interprète de Touda, à l’issue d’une longue préparation en immersion auprès de cheikhates.