Jessica Palud retrace le destin brisé de Maria Schneider
De son arrivée dans le milieu du cinéma à son combat pour le consentement sur les plateaux, en passant par l’agression subie sur le tournage du Dernier Tango à Paris, la cinéaste Jessica Palud raconte dans Maria, présenté à Cannes Première, comment le 7e Art a bouleversé la vie de Maria Schneider.
Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser à Maria Schneider ?
J’ai commencé ma carrière sur les plateaux de cinéma à 19 ans comme assistante-réalisateur pour The Dreamers, le film Bernardo Bertolucci. J’ai appris ce qu’il s’était passé sur Le Dernier Tango à Paris et je me suis toujours demandé comment des choses pareilles avaient pu arriver. C’est resté ancré en moi pendant des années. Quand le livre de Vanessa Schneider est sorti, j’ai été bouleversée par l’histoire de Maria.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement frappée ?
Elle a été l’une des premières femmes à évoquer les dysfonctionnements des méthodes sur les plateaux, mais personne ne l’a écoutée. Elle avait dans son discours quelque chose de très contemporain. Dans le film, les mots qu’elle prononce dans les interviews sont vraiment les siens.
Vous avez effectué un travail de recherches très poussé ?
Oui. C’était important pour moi de recouper les choses pour faire ressortir sa vérité. L’une de mes sources a travaillé sur Le Dernier Tango. Elle a été très précieuse sur tout ce qui était réel, sur ses ressentis, et sur tout ce qui s’est passé sur le tournage. J’ai également récupéré le scénario original qui avait été annoté par la scripte. J’ai pu constater de mes propres yeux tous les chamboulements.
“ Pour qu’on écoute enfin Maria, il fallait que la performance d'Anamaria soit très forte. ”
Le point de bascule de sa vie, c’est cette scène du Dernier Tango. C’était une évidence d’en faire aussi le point de bascule du film ?
Oui. Je ne voulais pas réaliser un film de ses cinq ans jusqu’à la fin de sa vie, mais resserrer le propos, avec un avant et un après du tournage du Dernier Tango. Je ne voulais que des scènes clés de sa vie, et notamment celles qui vont la mener au cinéma, puis raconter les conséquences de ce basculement. C’est un film construit en ellipses où l’on traverse des moments de vie très forts. C’est un film à l’os.
Comment avez-vous travaillé avec Anamaria Vartolomei ?
Nous nous sommes beaucoup vues et nous avons répété pendant des mois. Cela a été, je pense, un rôle extrêmement difficile pour elle car nous avons été chercher des émotions pures. Je voulais qu’elle connaisse Maria par cœur. Je voulais aussi qu’elle connaisse le scénario par cœur pour s’en libérer.
Elle est de tous les plans…
Pour moi, l’enjeu principal de ce film, c’était d’être juste dans ce que je racontais. Ensuite, c’était de « réussir » Maria parce que c’est un vrai portrait frontal : on est dans son souffle et dans son corps. La réussite de ce film, c’était d’entendre la voix de Maria et pour cela, il fallait que l’on puisse croire totalement en cette comédienne qui allait l’interpréter. Pour qu’on écoute enfin Maria, il fallait que sa performance soit très forte.
Un mot sur la mise en scène ?
Sur ce volet, j’avais Nan Goldin pour référence. Son univers se rapprochait de celui du film. Je voulais que l’image soit à la fois brute et travaillée. S’agissant des cadrages, je voulais qu’on aille à l’essentiel et qu’on se concentre sur ce qu’elle raconte pour toujours faire ressortir la comédienne et inciter le spectateur à rester avec elle.