Il était une fois Michel Legrand, par David Hertzog Dessites
Pendant près de deux ans, David Hertzog Dessites a filmé le quotidien et l’intimité de l’un des plus grands compositeurs français, Michel Legrand. Dans ce premier film, il nous offre une place à la table de travail du musicien. Avec Il était une fois Michel Legrand, Cannes Classics rend hommage à ce compositeur hors normes, à qui l’on doit entre autres, les bandes-originales inoubliables des films de Jacques Demy.
On vous sent très proche de Michel Legrand sur les images du film. Pendant combien de temps l’avez-vous suivi ?
Quasiment deux ans. Cela comptait beaucoup pour lui de se dire : « Est-ce que la personne qui va me filmer sait ce qu’elle fait ? » Au début, il voulait presque tout contrôler. Et puis un jour, il a fini par me dire : « J’ai réfléchi et tu vas faire le film que tu veux. Il faut que tu sois libre. » Ça m’a profondément ému car, venant de sa part, il s’agissait d’une preuve de confiance incroyable. J’ai vécu des moments extrêmement proches avec Michel.
Quelle place occupe la musique de Michel Legrand dans votre vie ?
En 2017, au Festival de Cannes, Michel donnait un concert. C’est là que je l’ai rencontré pour la première fois. Je me suis approché et lui ai dit : « Monsieur Legrand, si j’existe, c’est un petit peu grâce à vous. » Mes parents avaient le 45 tours de L’Affaire Thomas Crown. Je suis bercé par cette musique depuis ma naissance. Je regardais aussi Il était une fois…l’Espace, un dessin animé des années 80, puis il y a eu Yentl, Les Parapluies de Cherbourg… En fait, je me suis rendu compte que la musique de Michel Legrand jalonnait ma vie.
Votre film immortalise son ultime concert, dans quel état d’esprit étiez-vous lorsque vous filmiez ce moment à part ?
Ce que je veux noter, c’est qu’au début, le film ne devait pas être tel qu’il existe aujourd’hui. Tout a été bouleversé par l’histoire et la vie. Michel est tombé malade en mars 2018. Ça a bouleversé complètement ma vision du film. J’avais la crainte qu’on arrive à ce concert et que Michel soit épuisé. Il est clair que ce soir-là est un soir à part dans la vie d’un individu. C’est historique, parce que vous assistez au chant du cygne. Comme le mentionne Mathieu Herzog, le chef d’orchestre dans le film, certains étaient à Wembley en 1986 pour le concert de Queen, nous, nous avons assisté au dernier concert de Michel Legrand à la Philharmonie.
Les différents intervenants et les images elles-mêmes témoignent du tempérament très rigoureux du musicien, mais également parfois assez tempêtueux. Était-ce important que ce portrait soit aussi fidèle à ses défauts ?
Absolument. Je ne voulais pas d’un film hagiographique. Tout le monde sait que Michel Legrand était un génie. C’est une réalité. Mais le filmer dans ses moments plus compliqués, montrer sa complexité, ça m’a paru intéressant. Là encore, j’ai eu la toute confiance de Michel, de ses enfants, de Macha [Méril]. Il m’avait dit : « Tu montreras ce que tu veux. »
Quelle image souhaitez-vous que l’on retienne de Michel Legrand à la sortie de votre film ?
J’aimerais que les gens, après ce film, gardent l’image d’un géant comme on n’en aura probablement plus beaucoup, un guerrier de son art.
En présence de David Hertzog Dessites.