Restauration de Tasio: interview du réalisateur Montxo Armendáriz
Restauration de Tasio (1984), opera prima du réalisateur basque Montxo Armendáriz présentée à Cannes Classics. La caméra de l’espagnol filme la vie de Tasio, charbonnier dans les montagnes : un métier aujourd’hui pratiquement disparu qui eut une haute importance économique et sociale jusque dans les années 1960. Interview.
Quelle est la genèse de ce film ?
En 1981, j’ai réalisé le documentaire Carboneros de Navarra sur la vie et les coutumes des dernières personnes qui fabriquaient encore du charbon de bois dans différentes régions de Navarre. L’un de ces charbonniers était Anastasio Ochoa, que l’on appelait affectueusement Tasio. Il vivait à Zúñiga, un petit village de la région d’Estella, bien que sa vraie maison ait toujours été dans les montagnes. Dès que je l’ai rencontré, j’ai été frappé par sa façon de comprendre et d’affronter la vie. Il avait pour habitude de dire que « la montagne te donne tout ce dont tu as besoin pour vivre » et que travailler pour les autres n’était pas quelque chose de naturel. Pour lui, c’était une invention des riches pour gagner plus d’argent. La simplicité et la conviction avec lesquelles il exprimait la nécessité d’un équilibre écologique entre la nature et l’homme, indispensable à la subsistance de l’espèce humaine, m’ont immédiatement interpellée et j’ai senti que sa vie méritait d’être portée à l’écran.
Où a-t-il été tourné ?
En Navarre, dans une douzaine de villages dispersés dans les vallées d’Améscoa et de Lana, et dans les montagnes de la Sierra de Urbasa. À tout moment, nous avons bénéficié de la généreuse collaboration du voisinage, qui a participé en tant que figurants et nous a également prêté des costumes et des accessoires d’époque que nous avons utilisés dans le film.
Êtes-vous resté en contact avec Tasio ?
Nous avons noué une relation amicale qui a duré jusqu’à sa mort. Après le tournage du documentaire, je l’ai accompagné dans les montagnes, où il fabriquait du charbon de bois, braconnait et pêchait. Au cours de ces longues rencontres, il me racontait des anecdotes sur sa vie, que j’enregistrais sur une petite cassette. J’ai ainsi appris à connaître et à admirer une personne toujours fidèle à ses principes, qui n’a jamais accepté les normes sociales et qui, dans tout ce qu’il disait et faisait, était un hymne à l’amour et à la liberté de la nature.
Quelle est l’importance de ce film dans votre filmographie ?
Tasio, d’abord en tant que personne et ensuite en tant que film, a marqué un tournant dans ma vie. Jusqu’alors, j’étais professeur d’électronique dans des instituts polytechniques. J’avais toujours voulu faire des films, mais la situation économique de ma famille ne me le permettait pas. La rencontre avec Tasio m’a encouragé à fictionner son histoire et m’a ouvert les portes d’un métier dont j’avais toujours rêvé.
Comment s’est déroulé le processus de restauration ?
Lorsque je suis arrivé au laboratoire de L’Immagine Ritrovata, nous avons effectué un dernier visionnage pour faire les ajustements. La restauration qu’ils ont effectuée est magnifique. Je suis profondément reconnaissant envers La Filmoteca basque d’avoir choisi ce laboratoire. Et je tiens à remercier Mercury Films pour avoir cédé les droits de restauration et, bien sûr, toute l’équipe du film, avec un souvenir affectueux pour ceux qui ne sont plus parmi nous, en particulier son producteur Elías Querejeta