Blow-Up, et Antonioni sublima la couleur
Long métrage mythique aux couleurs affirmées, tourné dans le pétillant « Swinging London », Blow-Up (Grand Prix en 1977) a constitué un tournant formel dans la carrière de Michelangelo Antonioni. Réputé pour son travail avec Paolo Sorrentino, le directeur de la photographie Luca Bigazzi évoque l'impact visuel de ce film à sa sortie et son travail d'orfèvre pour en restituer les couleurs d'origine.
Quel a été l'impact de Blow-Up à sa sortie ?
Blow-Up a été accueilli comme un film très innovant, de par son parti pris formel et photographique très courageux pour l'époque. Ce long métrage en couleur a été pensé à un moment où le cinéma italien se remettait à peine du passage du noir et blanc à la couleur. Nombre de films réalisés en couleur étaient pensés comme des films en noir et blanc. Les réalisateurs continuaient à jouer inutilement avec les contre-jours, ce qui n'étaient plus nécessaire avec la couleur. Le résultat, c'est que tout cela sonnait faux à l'écran. À cet égard, la photographie de Blow-Up a représenté une avancée majeure. La transition entre le noir et blanc et la couleur a été très difficile en Italie. Dans les écoles notamment, qui étaient de tradition très conservatrice.
En quoi la photographie de Blow-Up est-elle innovante ?
Antonioni et Carlo Di Palma, son directeur de la photographie, ont parié sur une utilisation plus légère de la lumière, avec pour objectif d'éclairer son film avec plus de réalisme et de modernité. En parallèle, ils ont décidé d'affirmer les couleurs des décors et des costumes. Ces choix donnent toute son identité visuelle au film. Pour l'anecdote, Antonioni avait par exemple fait repeindre l'herbe du lieu du crime en vert. On le comprend en regardant avec plus de précision les abords du jardin, qui sont d'une couleur plus terne. Les couleurs du studio photographique du personnage principal sont également particulièrement accentuées. Le cinéaste a fait des choix chromatiques très précis.
Comment s'est passée la restauration ?
Elle a été globalement difficile. Notre premier point de repère était une copie complètement dépourvue de couleurs autres que le blanc et le rouge. C'était une copie d'époque qui s'était grandement détériorée. C'est d'ailleurs un signal très alarmant sur la conservation des films en métrocolor. Nous sommes donc repartis sur un négatif plus récent, où les couleurs pouvaient se reconnaître. Comme nous n'avions pas d'indications précises, le film a été nettoyé. Puis il nous a fallu réinterpréter ses couleurs en essayant d'être le plus léger possible, en respectant ce que nous avions sous les yeux. Nous n'avons pas fait de grands changements car il y avait toujours le risque de faire des erreurs d'appréciation. Avant les restaurateurs faisait en sorte que la colorimétrie soit plus claire, plus sombre, plus verte, plus rouge… aujourd'hui, le digital permet de repousser les limites, mais c'est aussi plus dangereux en termes d'éthique.
Le débat fait rage à ce sujet…
Je pense qu'il convient de trouver un accord sur la restauration du patrimoine cinématographique. L'espace laissé à l'arbitraire est trop important. Il est difficile de se mettre dans la peau d'un directeur de la photographie qui a travaillé avec d'autres moyens techniques, d'autres supports, d'autres lumières, et une autre sensibilité de pellicule, différentes d'aujourd'hui.