Perdidos en la noche, la quête de justice d’Amat Escalante

PERDIDOS EN LA NOCHE © Pimienta Films

Récompensé du Prix de la Mise en scène en 2013 pour Heli, le cinéaste mexicain Amat Escalante présente à Cannes Première Perdidos en la noche, un thriller social qui suit les traces d’un jeune mexicain n’ayant qu’une obsession : retrouver les responsables de la disparition de sa mère, une activiste opposée à une société minière dont l’arrivée menaçait les emplois de la région.

De quelle manière a germé l’idée de ce cinquième long métrage ?

Durant la pandémie, mon quotidien était rythmé par des randonnées. Même lorsque je marchais, j’avais toujours un carnet sur moi pour noter mes réflexions. J’écrivais en permanence, avec une intensité et une densité un peu similaire aux œuvres de Dostoïevski, que je lisais alors abondamment. La pandémie a également été propice à la redécouverte de longs métrages qui m’ont beaucoup inspiré et j’ai étrangement vu nombre de ces films se refléter dans l’œuvre de Dostoïevski. Ce fut comme une révélation qui m’a soufflé certaines des idées à la base de Perdidos en la noche.

Lequel de ces films vous a le plus inspiré ?

Le Fleuve Sauvage (Wild River, 1960), d’Elia Kazan, qui narre le combat d’habitants du sud des États-Unis refusant d’être expropriés pour la construction d’un barrage. Mon film traite d’un sujet similaire, à la différence que c’est l’exploitation d’une mine qui vient troubler le quotidien d’un village. Il y a aussi un fait-divers qui a beaucoup compté : la disparition en 2014, au Mexique, de quarante-trois étudiants activistes après leur arrestation par la police. Cette histoire continue de défrayer la chronique.

Pourquoi avoir fait le choix du thriller ?

L’idée de réaliser un thriller s’est imposée dans mon esprit dès le départ. Mais je voulais enfouir le genre au plus profond du film. J’ai essayé de le déployer par petites touches, comme on sème des graines. Sueurs Froides (Vertigo, 1958), d’Alfred Hitchcock, m’a beaucoup inspiré de ce point de vue.

 

« C’est comme si le cinéma de genre m’avait été injecté dans les veines ».

 

En quoi le genre est-il un outil pertinent pour approcher la réalité ?

Je ne parlerais pas d’outil car il s’insère de façon naturelle dans mon processus créatif. C’est comme s’il m’avait été injecté dans les veines. J’imagine que c’est parce que j’ai été initié très jeune à un cinéma varié, mais très marqué par le genre. Il génère les éléments cinématographiques dont j’ai besoin pour apporter un côté plus étrange et divertissant à mes histoires. Il me permet également d’accéder plus facilement à un autre versant des choses.

Visuellement, comment avez-vous souhaité déployer le film ?

En m’appuyant sur le contraste entre le cadre rural où vit la famille de célébrités au cœur du film et son mode de vie profondément citadin. Il y avait donc quelque chose d’intéressant à exploiter entre sa modernité sociale et la ruralité de leur environnement. Avec Adrian Durazo, mon directeur de la photographie, nous avons choisi des objectifs anamorphiques qui donnent un aspect très organique à l’image, et filmé en numérique pour appuyer ce contraste.

C’est la première fois que vous faîtes appel à des acteurs professionnels…

J’ai opté pour des acteurs professionnels qui sont aussi des célébrités car le film devait sonner juste sur ce volet. Mais je n’ai pas changé ma façon de diriger parce qu’ils sont des professionnels. J’ai d’ailleurs compris qu’il n’y a pas vraiment de méthode de direction d’acteurs. Il y a surtout une façon de créer des liens avec chacun des membres du casting pour créer une confiance réciproque.