En Juillet 1938, la Mostra de Venise, première compétition internationale dédiée au 7e art, rassemble pour la sixième fois les grands pays producteurs de cinéma de l’avant-guerre. La France est représentée par une sélection de films et, au sein du jury, par le diplomate Philippe Erlanger.
Le jour du palmarès, l’unanimité se fait sur un film américain mais sous la pression d’Hitler, c’est finalement le documentaire de propagande nazie, Les Dieux du stade (Olympia film) de Leni Riefenstahl et le film italien Luciano Serra, pilote (Luciano Serra, pilota) de Goffredo Alessandrini qui reçoivent la plus haute distinction, nommée « Coupe Mussolini ». La décision provoque un tollé parmi les membres représentants des démocraties et la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne quittent la Mostra bien décidés à ne plus y revenir.
Dans le train qui le ramène en France, Philippe Erlanger pense à organiser une manifestation en remplacement de la Mostra pour donner au monde un festival libre, sans pression ni contrainte. Dès son retour, il contacte les autorités concernées. Le temps presse pour mettre en place un festival français capable de concurrencer le prochain concours vénitien.
De septembre 1938 à mai 1939, l’initiative devient une véritable affaire d’État. Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères, craint d’envenimer les relations franco-italiennes mais Jean Zay, alors ministre de l’Éducation nationale, et Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, soutiennent l’idée selon laquelle l’Europe doit se doter d’un festival de cinéma où l’art ne serait pas influencé par les manœuvres politiques. En juin 1939, les médias annoncent officiellement la création d’un Festival de cinéma en France, soutenu par divers pays producteurs de films, Etats-Unis en tête, et dont l’ouverture est prévue le 1er septembre, en même temps que la Mostra. Il ne reste alors que quelques mois pour préparer la manifestation.
Cannes, entre Venise et Hollywood
La France doit donner à son Festival un cadre aussi prestigieux que Venise. Sur une liste d’une dizaine de villes françaises, Biarritz est d’abord retenue comme siège le 9 mai 1939. Mais les partisans de Cannes autour de Georges Prade, conseiller municipal de Paris, et des directeurs de palaces cannois, finissent par remporter l’implantation de la manifestation. C’est ainsi que le 31 mai 1939, la ville de Cannes et le gouvernement signent la naissance officielle du Festival International du Film, seulement trois mois avant la date d’inauguration de l’événement. La « perle de l’azur » implantée sur une côte que l’on compare volontiers à la Californie, se prend à rêver d’ « Hollywood ».