de Cannes
pour la création cinématogaphique internationale
Au fil de ses éditions, le Festival de Cannes s’est imposé comme l’un des miroirs de la production cinématographique à travers le monde. Plusieurs courants de cinéma s’y sont tour à tour révélés, exprimés ou affirmés. Découvrez 7 grandes périodes qui ont jalonné l’histoire du Festival.
“ Dans une certaine mesure, tout est réaliste. Il n'y a pas de frontière entre l'imaginaire et le réel. ”
Federico Fellini
Roma città aperta
Rome, ville ouverte
Roberto Rossellini
Ce film signe l’acte de naissance du néoréalisme italien. Le long-métrage est
sélectionné en
Compétition pour la 1re édition du Festival de Cannes, qui présente 44 films issus
de 19
pays.
Rome,
ville ouverte reçoit le Grand Prix (l’ancêtre de la Palme
d’or),
conjointement avec dix autres films. Pour le scénario, Rossellini s’est entouré de
Sergio
Amidei - le début d’une longue collaboration entre les deux hommes -, ainsi que d’un
certain… Federico Fellini, alors jeune journaliste.
Source : Cinémathèque
Miracolo a Milano
Miracle à Milan
Vittorio de Sica
Membre fondateur du néoréalisme italien, le réalisateur du Voleur de bicyclette s’éloigne des règles qu’il a lui-même édictées avec son nouveau film, Miracle à Milan. Si le point de départ est bien la réalité d’un quotidien miséreux, il s’en écarte progressivement pour adopter les codes du conte, avec le recours au merveilleux. Présent dans la Sélection officielle de la 4e édition du Festival, le film obtient le Grand Prix, ex aequo avec Mademoiselle Julie d'Alf Sjöberg.
Source : CNC
La Dolce Vita
Federico Fellini
La Dolce Vita
Federico Fellini
Un an après Les Quatre Cents Coups de François Truffaut, La
Dolce
Vita marque définitivement l’entrée du cinéma dans la
modernité.
Personne ne reste indifférent à sa sortie… et rapidement, le scandale surgit. L’œuvre de
Fellini est condamnée par le Vatican pour sa vision décadente de la haute société
romaine.
On en débat jusqu'au Parlement italien !
Mais la polémique provoque aussi le
succès :
on fait la queue devant les cinémas, et le Jury de la 13e édition du Festival de Cannes
lui
attribue la Palme d’or à l’unanimité. La même année, un autre grand
film
italien est récompensé du Prix du Jury : L’Avventura
de
Michelangelo Antonioni.
Sources : L’Humanité, La Croix
Deux sélections voient le jour au cours des années 1960 : la création de la Semaine internationale de la Critique en 1962 et de la Quinzaine des Réalisateurs (aujourd’hui Quinzaine des Cinéastes) en 1969. Ces sélections renforcent l’esprit d’indépendance du Festival et favorisent la rencontre entre art et industrie. À la même époque, le Festival s’apprête à propulser de jeunes réalisateurs français sur le devant de la scène…
Les Quatre Cents Coups
François Truffaut
59, année historique ? Celle en tous cas où François Truffaut présente son premier
long-métrage à Cannes. Le succès est immédiat : l’histoire du jeune Antoine Doinel
reçoit un
accueil triomphal au Festival. À la sortie de la projection, on porte à bout de bras
son
interprète principal, un certain Jean-Pierre Léaud, âgé de 14 ans.
Si Les
Quatre Cents Coups ne décroche pas la Palme d’or, attribuée à Orfeu Negro
de
Marcel
Camus, le film fondateur de la Nouvelle Vague est récompensé par le Prix de
la
mise
en scène.
Source : Le Monde (archives)
Hiroshima mon amour
Alain Resnais
Sortie la même année que Les Quatre Cents Coups, l’adaptation du livre de Marguerite Duras à l’écran défraie la chronique. Et pour cause : le film est perçu comme anti-américain par les États-Unis, si bien que leur délégation demande son retrait de la Compétition cannoise. L’œuvre sera tout de même projetée durant la 12e édition du Festival, mais sans concourir pour la Palme d’or. À la tête du tout nouveau ministère de la Culture, l’écrivain André Malraux aurait déclaré après son visionnage qu’Hiroshima mon amour est le plus beau film qu’il ait jamais vu.
La Religieuse
Jacques Rivette
L’adaptation du roman de Denis Diderot pour le grand écran provoque un scandale avant même sa sortie. S’il passe deux fois devant la commission de contrôle des films cinématographiques avec succès, le film finit par être interdit en 1966 par le secrétaire d’État à l’Information. Tollé ! De nombreux artistes se mobilisent en soutien à Jacques Rivette – Jean-Luc Godard en tête. La Religieuse est finalement sélectionné en Compétition pour la 19e édition du Festival de Cannes sous un autre nom : Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot. La censure est levée un an plus tard, et le film peut enfin sortir en salle… pour les plus de 18 ans.
Ce changement valorise un cinéma plus engagé, notamment en provenance d’Hollywood, où de nouveaux talents émergent. Parmi eux : Martin Scorsese, Francis Ford Coppola ou encore Steven Spielberg.
M.A.S.H.
Robert Altman
1969. Présenté à Cannes, Easy
Rider
sonne la révolte d’une jeunesse anticonformiste et les premiers pas d’un mouvement que
l’on
nommera bientôt le Nouvel Hollywood. Un an plus tard, la comédie de Robert Altman
dénonce de manière détournée l’intervention américaine au Vietnam.
Dès sa sortie, M.A.S.H
connaît un immense succès – au point d’être adapté en série télévisée, diffusée entre
1972
et 1983. Le Jury de la 23e édition lui décerne le Grand Prix du
Festival
(qui remplace la Palme d’or entre 1964 et 1974).
Source : Slash film
Taxi Driver
Martin Scorsese
New York en toile de fond, l’aliénation et la violence comme thèmes principaux : ce film
mythique dresse le portrait d’un chauffeur de taxi insomniaque, séquelle de son probable
passé au Vietnam.
Sélectionné pour la 26e édition du Festival, Taxi
Driver est
accueilli par des huées lors de sa projection. En réaction, Scorsese, Robert de
Niro
et Harvey Keitel refusent de se présenter face à la presse et laissent la
jeune
Jodie Foster, âgée de 13 ans, répondre aux interviews. Le Jury, lui, ne
prend pas le parti des journalistes et attribue la Palme d’or au film !
Source : France Info
Apocalypse Now
Francis Ford Coppola
Après un tournage cauchemardesque, Francis Ford Coppola présente son film en tant que work in progress, le premier du genre en Compétition à Cannes. Si Apocalypse Now est bien accueilli lors de sa projection, une voix dissonante se fait entendre. Françoise Sagan, présidente du Jury de cette 32e édition, a détesté le film et le clame haut et fort. En pure perte, car la Palme d’or est en fin de compte décernée au réalisateur américain, ex aequo avec Volker Schlöndorff pour Le Tambour. C’est la consécration pour Coppola. Cinq ans après une première Palme d’or pour Conversation secrète, il devient le premier réalisateur à obtenir deux fois la plus haute distinction cannoise.
Sources : Télérama, France Info
Au tournant des années 1990, le Festival affiche une nouvelle volonté : valoriser des films au parti pris artistique fort tout en étant capables de toucher un large public.
Barton Fink
Joel et Ethan Coen
Le quatrième film des frères Coen rafle tout sur son passage. En Compétition pour la 44e édition du Festival, Barton Fink repart avec le Prix d’interprétation masculine pour John Turturro, l’acteur principal, mais aussi le Prix de la mise en scène et enfin… la Palme d’or : un triplé historique et inédit. Par la suite, seuls deux films seront récompensés trois fois. L’Humanité de Bruno Dumont et La Pianiste de Michael Haneke remportent chacun le Grand Prix ainsi que les Prix d’interprétation féminine et masculine.
Source : Sud Ouest
Pulp Fiction
Quentin Tarantino
Après Reservoir
Dogs,
présenté Hors Compétition en 1992, Quentin Tarantino revient sur la Croisette avec un
second
long-métrage, cette fois-ci présenté en Compétition.
S’il connaît un accueil
mitigé
lors de sa projection, le Jury présidé par Clint Eastwood lui remet la Palme
d’or, à la surprise générale. Près de trente ans après sa sortie,
Pulp
Fiction
est
passé au rang de film culte et reste un incontournable du cinéma
contemporain.
La Haine
Mathieu Kassovitz
Deux syllabes circulent sur toutes les lèvres des participants à cette 48e édition
cannoise.
Arrivée en force pour la promotion du film, l’équipe de La Haine s’attire
rapidement les
faveurs des festivaliers. Lorsqu’elle monte les marches du Palais des Festivals, les
policiers du service d’ordre décident de lui tourner le dos, en signe de protestation
contre
un film perçu comme « anti-police ».
Le lendemain, le Jury attribue le Prix
de
la mise en scène à Mathieu Kassovitz. En France, le film devient rapidement
un
véritable phénomène de société et enregistre plus de deux millions
d’entrées dans les cinémas.
Sources : France 3, Criterion, INA, Radio Canada, Box-office
Côté Sélection, cette recherche exigeante de nouveauté se traduit par l'arrivée d'une poignée de réalisateurs scandinaves qui, à l’aube d’un nouveau siècle, prônent la sobriété et le dépouillement dans la conception cinématographique.
Festen
Fête de famille
Thomas Vinterberg
Trois ans après la rédaction du manifeste, le premier film du Dogme95
est
sélectionné en Compétition lors de la 51e édition du Festival. Festen
consacre le « vœu de chasteté » édicté par le mouvement : pas de lumière
artificielle, un tournage en caméra
portable, pas de crédit pour le réalisateur. Seul l’usage de la pellicule en 35mm n’est
pas
respecté.
S’il doute du succès de son film, Thomas Vinterberg reçoit une ovation du
public lors de la projection cannoise. Festen remporte le Prix du
Jury et lance définitivement la carrière de son réalisateur.
Sources : France Culture, Télérama, Bande à part
Idioterne
Les Idiots
Lars von Trier
La même année que Festen, la Sélection officielle du Festival retient Les
Idiots,
second
film labellisé Dogme95. Le réalisateur danois n’en est pas à son coup d’essai à Cannes :
par
deux fois, il a remporté le Prix du Jury, pour Europa
et Breaking
the
Waves, ainsi que
le
Grand Prix de la Commission Supérieure Technique, pour The
Element of
Crime.
Très
attendu et favori de la Compétition, le film ne remporte aucune distinction.
Les Idiots
ne
laisse pourtant personne indifférent : sujet choquant, réalisation brutale, une
partie
de la
salle applaudit, l’autre siffle le réalisateur… qui ne se présente pas en
conférence de
presse et laisse l’équipe du film répondre à sa place.
Sources : Telegraph, L’Orient-Le-Jour
Dancer in the Dark
Lars von Trier
Inspiré de l’esthétique développée par le Dogme95, Dancer in the Dark, le troisième film de la trilogie « Cœur d’or », va signer le triomphe du réalisateur danois à Cannes. Auréolé de la Palme d’or, ce drame musical devient le premier long-métrage tourné en caméra digitale à recevoir la distinction suprême. Interprète principale et compositrice de la bande originale, Björk est pour sa part récompensée du Prix d’interprétation féminine.
Sources : Centre Pompidou, CNC
In the Mood for Love
Wong Kar-Wai
Le temps presse ! Cannes approche, et Wong Kar-Wai n’arrive pas à terminer son film.
Le
réalisateur hongkongais travaille jusqu’au dernier moment, avant de rendre une copie
du film
pour la Compétition.
Sélectionné pour la 53e édition du Festival, il repart
finalement
avec le Prix d’interprétation masculine pour Tony Leung
Chiu-wai.
In
the
Mood for Love devient un classique pour les cinéphiles. Dix ans après
sa
sortie,
Xavier Dolan lui rend hommage dans Les
Amours Imaginaires, en sélection Un Certain Regard de l’édition 2010.
Sources : Britannica, South China Morning Post, Ecran noir
Lung Boonmee raluek chat
Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures
Apichatpong Weerasethakul
Après deux films très remarqués (Blissfully Yours, Prix Un Certain Regard
2002, et
Tropical Malady, Prix du Jury ex aequo 2004), le réalisateur thaïlandais signe
son
retour
sur la Croisette avec Oncle
Boomee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, un
nouveau
long-métrage expérimental.
Quelques jours plus tôt, c’est sa
venue
qui
est incertaine : alors que la répression des Chemises rouges sévit à Bangkok, le
cinéaste se
rend à l’aéroport… sans son passeport, laissé dans le centre-ville de la capitale en
feu. Le
récupérer est trop dangereux, on lui délivre donc un passeport spécial pour partir à
Cannes.
Bien s’en faut : Apichatpong Weerasethakul remporte la Palme d’or
de la
63e
édition du Festival !
Sources : Le Point, Universalis, FDC, FDC, Critikat
Gisaengchung
Parasite
Bong Joon-ho
Si des films du pays du Matin-Calme ont déjà été primés (notamment Old Boy, Grand
Prix
2004, et
Thirst, ceci est mon
sang,
Prix du Jury ex aequo 2009, de Park Chan-wook), il faut attendre 2019 pour
qu’une
œuvre coréenne décroche la Palme d’or.
Présidé par Alejandro
González
Iñárritu, le Jury de la 72e édition récompense à l’unanimité la satire sociale
signée
Bong
Joon-ho. Cette distinction confirme les liens
durables
entre
la Corée du Sud et le Festival depuis les années 1980.
Après un large
succès
critique, Parasite
triomphe en salle et met en lumière un cinéma d’auteur exigeant, mais
également
capable de séduire le grand public.
Sources : Boxofficepro, SensCritique, 20 Minutes
Elephant
Gus Van Sant
Après des débuts dans le cinéma indépendant puis un crochet par Hollywood, Gus
Van Sant
s’éloigne des grosses productions américaines. À l’image d’Elephant,
ses
films prennent un nouveau virage au début des années 2000 : plus épurés, ils
sont
également
plus exigeants sur le plan technique.
En 2003, son récit inspiré de la
tragédie de
Columbine décroche la Palme d’or et le Prix de la mise en scène
de la
56e
édition du Festival. Une performance remarquable : c’est le premier film
à
obtenir
deux prix de réalisation depuis
Barton Fink des frères Coen, en 1991.
Sources : INA, Washington Post, Variety
Mommy
Xavier Dolan
Après des débuts remarqués sur la Croisette pour Les
Amours
Imaginaires (Un Certain Regard 2010) et Laurence
Anyways
(Prix d'interprétation féminine ex aequo, Un Certain Regard 2012), le jeune
réalisateur
québécois intègre la Compétition avec son cinquième long-métrage.
En lice
pour la
Palme
d’or, Mommy
décroche
finalement le Prix du Jury, après avoir fait sensation tout au long
du
Festival. Xavier Dolan profite de la cérémonie de remise des prix pour remercier
Jane
Campion (Palme d’or ex aequo pour La Leçon de
piano en 1993) et lance un appel à
sa
génération : « En bref, je pense que tout est possible à qui rêve, ose,
travaille
et
n'abandonne jamais. Et puisse ce prix en être la preuve la plus
rayonnante. »
Titane
Julia Ducournau
Après une année 2020 sans Palmarès, l’édition 2021 signe le retour de la
Compétition sur
la
Croisette.
Déjà remarquée avec Grave (Semaine de la Critique 2016), Julia
Ducournau
revient à Cannes avec Titane,
un
second
long-métrage dans lequel elle affirme un style bien à elle. À travers les
codes du cinéma de genre, la réalisatrice traite avant tout de
la
mutation et interroge le rapport au corps. En remportant la
Palme
d’or
de cette 74e édition, la Française devient la seconde femme à
remporter la
distintion suprême, vingt-huit ans après Jane Campion.