Adapté du roman du même nom de J.G. Ballard, publié en 1973, Crash provoque en 1996 l’émoi sur la Croisette : cette exploration transgressive des liens entre le désir et la violence d’un accident de voiture est autant applaudie que huée à sa projection. Aussi divisé que le public, le Jury du Festival accorde finalement au sulfureux film du réalisateur canadien David Cronenberg un Prix spécial pour « son audace, son sens du défi et son originalité », selon les mots du Président Francis Ford Coppola.
10 films de genre qui ont fait trembler le Festival de Cannes
Invité épisodique du Festival jusqu’en 1990, le cinéma de genre est plus régulièrement représenté à Cannes depuis les années 2000 où il a fait l’objet, que la lune soit pleine ou non, de mémorables séances de minuit. Lorsque zombies, vampires et autres créatures monstrueuses crèvent le grand écran de la Compétition, il n’est pas rare de les retrouver au Palmarès. Retour sur quelques projections décapantes…
« Merci d’appeler pour plus de diversité dans nos expériences au cinéma et dans nos vies. Merci de laisser entrer les monstres. » Julia Ducournau
La cinéaste française Claire Denis a mûri pendant plus de dix ans son projet de film d’horreur, présenté Hors Compétition lors de la 54e édition. Dans Trouble Every Day, Vincent Gallo et Béatrice Dalle sont atteints d’un même mal étrange, touchant au vampirisme et au cannibalisme : lui se refrène, elle y succombe. Le public de la Séance de Minuit n’est pas sorti indemne du récit gore et sensuel de leurs amours dévorantes.
Le premier long-métrage du réalisateur américain Zack Snyder, dont la carrière s’est ensuite orientée vers les films de super-héros, est projeté en Séance de Minuit en 2004. Remake du Zombie de George Romero sorti en 1978, Dawn of the Dead en reprend les prémisses : des morts un peu trop vaillants et une poignée de survivants barricadés dans un centre commercial.
Fable mi-historique, mi-onirique, Le Labyrinthe de Pan est présenté en avant-première à Cannes, où il reçoit la plus longue standing ovation de l’histoire du Festival : 22 minutes ! Le conte de fées pour adultes du cinéaste mexicain Guillermo del Toro, puissant plaidoyer anti-fasciste, obtient en 2007 les Oscars de la meilleure photographie, des meilleurs décors et du meilleur maquillage grâce à son univers sombre et fantastique.
Grand Prix en 2004 pour Old Boy, le cinéaste sud-coréen Park Chan-wook revient en 2009 à Cannes avec Thirst, ceci est mon sang, un film de vampires librement inspiré du roman Thérèse Raquin d’Émile Zola. Les aventures du prêtre martyr devenu créature assoiffée de sang décrochent le Prix du Jury de la 62e édition, ex aequo avec Fish Tank de la Britannique Andrea Arnold.
En 2012, Dario Argento s’attaque au mythe Dracula, dans une déconcertante version 3D projetée en Séance de Minuit. Trente-cinq ans après Suspiria, qui marquait sa première incursion dans l’univers de l’épouvante, le maître du frisson à l’italienne livre une adaptation fidèle du roman de Bram Stocker (1897), dont il honore les codes et l’atmosphère gothique.
Huit de ses longs-métrages ont été sélectionnés en Compétition depuis 1984 : Jim Jarmusch est un fidèle du Festival de Cannes. Si les jurys successifs l’ont surtout connu comme chantre du cinéma indépendant, l’Américain s’essaie avec The Dead Don’t Die au registre de la comédie de genre. Ultra référencé, le film d’ouverture de la 72e édition confronte son casting de stars internationales à des morts-vivants pour le moins déterminés.
Dans un petit village du Nordeste brésilien mystérieusement rayé des cartes numériques, des phénomènes inexpliqués se multiplient. Bientôt, les habitants comptent leurs morts. Bacurau commence comme une dystopie aux enjeux très actuels, abordant les inégalités sociales et climatiques, avant de s’épanouir en western moderne. L’œuvre visionnaire de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles a été récompensée du Prix du Jury en 2019.
L’œuvre phénomène du réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho a prouvé de façon éclatante que cinéma d’auteur pouvait rimer avec cinéma populaire. Les tribulations de la famille Kim, infiltrée chez les richissimes Park, prennent tour à tour des airs de comédie sociale, de thriller et de film d’horreur. Présenté en première mondiale lors de la 72e édition du Festival de Cannes, Parasite a remporté à la fois la Palme d’or et l’Oscar du meilleur film, un exploit inédit depuis 1955.
Vingt-cinq ans après Crash, Titane fait planer une même odeur d’essence sur Cannes. Dans ce long-métrage déroutant, qui dépasse allégrement les bornes et les genres, la chair se mêle à la tôle froissée et les corps s’hybrident. Les réactions outrées à l’issue de sa projection n’ont pas dissuadé le Jury de la 74e édition de lui attribuer la Palme d’or : après Jane Campion en 1993, la Française Julia Ducournau est la deuxième réalisatrice à remporter la plus haute distinction du Festival.