Rencontre avec Greta Gerwig, Présidente du Jury des Longs Métrages

Après une année qui l’a vue tutoyer les sommets de la planète cinéma, Greta Gerwig est à la tête du Jury des Longs Métrages de la 77e édition du Festival. Interprète, scénariste, cinéaste, elle multiplie les talents : la réalisatrice de Lady Bird (2017), Les Filles du Docteur March (2019) et Barbie (2023) s’exprime avec panache sur sa vision du cinéma.

Passer d’un film indépendant comme Lady Bird à l’un des plus grands succès de tous les temps au box-office avec Barbie : c’est étrange ?

D’une certaine manière, même si j’ai alterné films très indépendants et films avec des studios, de mon point de vue, c’est toujours la même chose. Dans le sens où je réalise le film que je veux faire. C’est juste à une échelle différente. L’expérience de la réalisation d’un film est donc, à la base, très similaire. Il y a plus de personnes dans un grand film de studio, beaucoup plus de personnes, par exemple, dans le département artistique, mais vous avez toujours votre décorateur, votre costumier, votre directeur de la photographie, votre monteur, votre mixeur de son. La réalisation répond aux mêmes exigences.

Par ailleurs, j’ai toujours travaillé avec le même monteur, Nick Huy, sur tous mes films. Au bout du compte, il n’y aura que lui et moi dans une pièce, pour se débrouiller avec des images. C’est un sentiment de continuité. Vous faites simplement des films, et vous pouvez les faire d’une manière très discrète ou plus spectaculaire, mais le processus de réalisation ne diffère pas.

 

Quel genre de films aimez-vous réaliser ?

J’espère faire des films comme George Miller jusqu’à mes 80 ans. C’est difficile à dire aujourd’hui, mais quand je me penche sur mon travail, je constate que je suis toujours attirée par la difficulté. Quand j’ai vraiment l’impression de n’avoir aucune idée de comment faire le film, cela devient passionnant car il s’agit d’inventer une nouvelle façon de l’aborder. C’est comme pour certains acteurs lorsqu’ils décrochent un nouveau rôle et qu’ils incarnent une nouvelle personne et une âme totalement différente : de la même manière, chaque film a son propre univers et j’établis les règles et l’étrangeté de cet univers.

 

Dans Frances Ha, la fameuse scène de danse est un hommage au film Mauvais Sang de Leos Carax : à quel réalisateur souhaitez-vous rendre hommage aujourd’hui ?

Il y a tellement de réalisateurs auxquels j’aimerais rendre hommage. Mais je dirais qu’aujourd’hui, ce serait une combinaison de David Lean et de Robert Altman. Ce sont ceux qui m’intéressent en ce moment, mais cela peut varier. Il y a une quantité impressionnante de films merveilleux et j’aime être confrontée, en les regardant, à une nouvelle façon de faire du cinéma. Cela m’enflamme à nouveau et je retrouve l’envie de faire des films.

 

Présidente du Festival en 2014, Jane Campion évoquait les diplômes d’un cinéaste. Pour elle, votre diplôme, c’est votre film, votre court métrage : rejoignez-vous son point de vue ?

Je pense qu’il y a toutes sortes de parcours. Certaines personnes sortent d’une école de cinéma et cela leur est extrêmement utile et d’autres, pas du tout. Je pense que le meilleur conseil que l’on m’ait donné, c’est de regarder beaucoup de films et de continuer à beaucoup en regarder. En outre, lisez beaucoup, lisez des choses et regardez des films qui ne vous intéressent pas forcément, car vous pourriez y trouver quelque chose. S’immerger dans le cinéma est la principale chose que je pense être utile car cela pénètre en vous. Parfois, lorsqu’on visionne quelque chose, on ne sait pas forcément comment le faire. Le film vous apprendra comment faire, mais vous devez vous y soumettre. Vous devez lui permettre de vous changer.

La meilleure chose que l’on puisse faire en tant que cinéaste, c’est de se mettre à la place de quelque chose qui semble difficile, ou qui nous dépasse. Puis d’essayer de le faire. Certaines de ces écoles de cinéma facilitent cela, car elles vous offrent une communauté de personnes qui partagent les mêmes idées et qui peuvent vous orienter dans telle ou telle direction. Elles facilitent la possibilité de prendre une caméra et d’essayer par soi-même. Je ne pense pas que cela soit nécessaire, mais cela peut être utile.

 

En tant que danseuse, avez-vous apprécié de travailler auprès des chorégraphes dans Barbie ?

C’était merveilleux. La seule chose que je sais à propos de moi, c’est que je reviendrai toujours à la danse. C’est la chose que j’aime le plus photographier. J’aime les danseurs. J’adore les regarder. La danse sur pellicule me rend extrêmement heureuse. Je veux continuer à faire de la danse au cinéma.