Entretien avec Emanuel Parvu pour Trois Kilomètres jusqu’à la fin du monde
Le Roumain Emanuel Parvu fait sa première entrée en Compétition avec Trei Kilometri Pana La Capatul Lumii (Trois Kilomètres jusqu’à la fin du monde). Il nous emmène dans un village isolé du delta du Danube où Adi, 17 ans, subit une agression qui va faire éclater la communauté et bouleverser sa famille.
D’où vous est venue l’inspiration de l’histoire d’Adi ?
Le film traverse des questions qui m’habitent sur l’amour inconditionnel. Avec ma coscénariste, Miruna Berescu, nous avons créé un récit à partir d’une actualité qui date d’il y a 10 ans : l’histoire d’une jeune fille violée par sept hommes dans un village perdu de Roumanie. La communauté entière s’était retournée contre elle. Cela est entré en résonance avec notre double point de vue, en tant que fils et filles de nos parents et en tant que père et mère de nos enfants. Nos réflexions sur la société sont omniprésentes dans nos films et s’attachent à des cas particuliers plutôt qu’à des généralités.
Vous poursuivez votre exploration des affaires familiales. Pourquoi ce thème vous est-il cher ?
Nous pensons que l’amour entre un parent et un enfant est la forme d’amour la plus puissante, ce qui suppose qu’il soit inconditionnel. Mais quand il en vient à se soumettre à des conditions, il y a alors matière à débat.
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le récit d’un isolement au sein d’une communauté ?
Ce qui nous intéresse, c’est la manière dont la société réagit à ce qu’il se passe autour de nous. Nous avons fait des films sur des orphelins, des enfants qui ne peuvent pas décider de ce qu’ils veulent faire. À travers nos projets, il est important pour nous d’étudier la manière dont la société réagit à l’injustice et de mettre en avant cette critique des modes de pensée obtus, de façon à faire émerger des questions globales à partir de micro-univers. On ne veut pas se séparer du public, ni pointer du doigt un seul aspect de l’histoire, mais offrir une expérience visuelle plus complexe, pas manichéenne.
Qu’est-ce qui vous a amené à tourner dans le delta du Danube ?
Nous avons tourné dans deux villages, Sfântu Gheorghe et Dunavăț. Nous voulions un endroit idyllique, lointain et isolé, qui ne soit pas facile d’accès mais, en même temps, qui soit cosmopolite en période estivale, avec des touristes, mêlant un mode de vie urbain et les traditions rurales.
Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre film ?
Que c’est à travers l’amour et la compréhension que l’on peut bâtir une meilleure société pour les générations à venir. Seulement par le dialogue, seulement si on essaie de se mettre à la place de l’autre. On peut élargir notre façon de penser et faire de la place à ceux qui se sentent en minorité, indépendamment de la couleur de peau, des origines, de la religion, de l’orientation sexuelle…