L’histoire de Souleymane, le regard de Boris Lojkine

L'HISTOIRE DE SOULEYMANE © UNITÉ

Après Hope et Camille, Boris Lojkine propose une nouvelle fiction sociale, cette fois au cœur des rues parisiennes. Ces rues, Souleymane les sillonne à vélo puisqu’il est livreur. Silhouettes si familières et dont on ignore pourtant tout, ces travailleurs se voient réattribuer une identité et une trajectoire dans L’histoire de Souleymane, présenté au Certain Regard.

 

Comment vous est apparue l’idée de ce film ?

Pendant le confinement, les rues se sont vidées et tout d’un coup on ne voyait plus qu’eux. C’est devenu une évidence : c’était l’un de ces livreurs à vélo qui sillonnent la ville avec leurs sacs siglés de l’application pour laquelle ils travaillent. Après Hope, beaucoup de gens m’ont demandé si je ne voulais pas écrire la suite et raconter le sort qui leur serait réservé en France. Je me suis demandé : et si je filmais Paris comme une ville étrangère dont on ne connaîtrait pas les codes ? L’autre dans le film, c’est nous. Avec Aline Dalbis, la directrice de casting, j’ai rencontré des livreurs qui m’ont raconté les coulisses de leur travail. Dans tous leurs récits, la question des papiers avait une place à part. Le film raconte les deux jours qui précèdent l’entretien de demande d’asile.

 

« Les comédiens non professionnels (…) viennent avec ce qu’ils sont, porteurs de leur monde. À moi de savoir accueillir leur singularité. »

– Boris Lojkine

 

Comment avez-vous abordé le tournage ?

J’ai imposé une équipe ultra-réduite. La plupart du temps nous n’étions que cinq ou six au plateau. Pas d’éclairage. Pas de camions. Pas de cantine. Je voulais me débarrasser de toute la lourdeur d’un tournage traditionnel. Les scènes de vélo sont filmées à partir d’autres vélos. C’était la seule solution pour se glisser dans la circulation.

 

Comment avez-vous choisi votre protagoniste ? 

Nous avons fait un long casting sauvage, avons arpenté les rues de Paris à la rencontre des livreurs. C’est finalement à Amiens que nous avons rencontré Abou Sangare, arrivé en France sept ans auparavant. L’intensité de sa présence à la caméra nous a d’emblée saisie. C’était lui. Dans la vie, il est mécanicien, pas livreur. Pendant plusieurs semaines, il a fait de la livraison, pour se familiariser avec les gestes quotidiens, le vélo, le téléphone, l’appli… Peu à peu il est entré dans le rôle. C’est ce que j’aime dans le travail avec les comédiens non professionnels : ils viennent avec ce qu’ils sont, porteurs de leur monde. A moi de savoir accueillir leur singularité.

 

Quel message souhaitez-vous faire passer à travers ce film

J’ai choisi de raconter l’histoire d’un homme qui a décidé de mentir. Je ne voulais pas faire un récit trop exemplaire, montrant un bon gars aux prises avec une vilaine politique migratoire. C’est trop facile et cela ne fait pas réfléchir. Je préfère poser des questions aux spectateurs : Souleymane mérite-t-il de rester en France ? Faut-il lui donner l’asile ? D’après vous, est-ce qu’il en a le droit ?

 

Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet

Je travaille actuellement à l’écriture d’une série qui se passe en Amazonie brésilienne dans les années 1980-90. Librement inspirée d’une histoire vraie, la série se concentre autour des conflits pour un petit territoire et de la survie d’un indigène isolé, dernier survivant de son peuple, celui qu’on a surnommé « l’indien au trou ».