When the Light Breaks, le regard de Rúnar Rúnarsson
En ouverture de la sélection Un Certain Regard, la salle Debussy accueille le réalisateur islandais Rúnar Rúnarsson avec Ljósbrot (When the Light Breaks) : un film subtil autour du deuil et sur la façon de l’aborder, qui fut d’abord un court métrage.
Racontez-nous la genèse de votre film.
J’ai perdu un ami dans ma jeunesse, et j’ai voulu faire face aux émotions que j’ai ressenties le jour où cela s’est produit, en racontant une histoire universelle. Une autre perte récente dans ma vie a ravivé cette envie, et l’intrigue est devenue plus concrète.
Mon objectif était de créer un récit qui englobe les sentiments complexes éprouvés le jour de la perte inattendue d’un être cher. La réalité est altérée et l’avenir change en un instant. Le film prend ce moment et le développe. Il se déroule dans un court laps de temps où l’espace entre les émotions contradictoires est restreint, où les rires se transforment en pleurs, et où la beauté coexiste avec le chagrin.
Quelle était l’atmosphère du tournage ?
Je veux que mes plateaux de tournage soient calmes et concentrés. Tout doit être aussi bien préparé que possible car ce type de préparation garantit la liberté au moment où la caméra tourne.
En Islande, nous devons faire face à toutes sortes de défis, car nous sommes sur une île isolée avec une population minuscule. Beaucoup de choses ne sont pas facilement disponibles et nous devons souvent compter sur des solutions de dernière minute pour résoudre les problèmes. De plus, les conditions météorologiques sont très aléatoires, ce qui fait que les tournages en extérieur doivent être abordés avec un esprit ouvert. Ces défis impliquent également que les gens soient résistants et agiles pour réagir. Sur le plateau, cela se traduit par des interactions rapides et presque sans paroles. Mon équipe était réduite et tout le monde était concentré sur la tâche à accomplir. Cela nous a permis de saisir des moments inattendus.
« Le film nous encourage à trouver l’amour et la beauté, même face à la douleur. »
Quelques mots sur vos interprètes ?
Tous les acteurs de notre film sont immensément talentueux et travailleurs. Ils ont su maintenir l’équilibre parfait entre professionnalisme et espièglerie. Notre actrice principale, Elín Hall, est capable de transmettre une grande palette d’émotions avec des changements d’expression à peine perceptibles. Elle a su incarner la force et la tendresse que je recherchais, et sa capacité à montrer plutôt qu’à dire a fourni l’essence du personnage d’Una. La capacité à transmettre les non-dits est tout aussi forte chez Katla Njálsdóttir et Mikael Kaaber, les acteurs qui soutiennent Una. Ensemble, ils forment le noyau d’intensité qui propulse le récit sans trop de dialogues.
Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre film ?
Una, notre personnage principal, est étrangère aux événements qui se déroulent autour d’elle, alors qu’elle est en réalité au centre de ceux-là. À cause du secret qu’elle porte, elle ne peut pas revendiquer la place qu’elle mérite dans le deuil qu’elle vit. Una doit faire de la place aux émotions des autres tout en préservant sa propre dignité. Le film pose la question de savoir comment nous gérons nos rôles dans des relations qui changent radicalement. Et il nous encourage à trouver l’amour et la beauté, même face à la douleur.