Norah, le regard de Tawfik Alzaidi
Dans Norah, son premier long métrage présenté au Certain Regard, le cinéaste saoudien Tawfik Alzaidi puise dans les émotions que lui procure son rapport personnel à l’art pour raconter la relation artistique entre un peintre et son modèle dans l’Arabie Saoudite conservatrice des années 1990.
Qu’est-ce qui vous a mené à la réalisation de Norah ?
Ma passion pour l’art depuis l’âge de neuf ans, et en particulier pour la musique. J’ai grandi dans un environnement tourné vers la création, entouré de magazines et de cassettes audio à une époque, les années 1990, où l’art n’était pas autorisé dans les lieux publics en Arabie saoudite. Je restais cependant profondément convaincu qu’il est présent en chacun de nous. J’ai commencé à réaliser des courts métrages en 2006, avant même que les salles de cinéma ne soient ouvertes. J’ai donc éprouvé le même sentiment que mes personnages, mais du point de vue d’un cinéaste qui fait des films alors qu’il n’y a pas d’endroit où les montrer. C’est ce parcours personnel qui m’a inspiré l’histoire de Norah.
Votre histoire personnelle est donc très proche de celle de Nader et Norah, vos personnages…
Oui, et d’autant plus d’ailleurs que l’intrigue du film se déploie aussi en 1996. Norah évoque la relation entre les êtres humains et l’art, dont j’ai toujours pensé qu’il était l’un des plus beaux moyens de communication entre les gens. Ma première idée a été de réaliser un film basé sur des sentiments réels. Mon objectif était de bâtir un long métrage que tout le monde puisse ressentir, et pas seulement regarder.
Pouvez-vous décrire votre méthode de travail ?
Je commence toujours par penser au film par petites touches, et au cours du processus, je rassemble ces petits morceaux pour former une pièce plus grande. Sur un plateau, j’aime traiter toutes les personnes présentes comme des artistes, et j’estime que mon travail principal consiste à traduire leurs émotions sur le grand écran. Je fais attention aux petits détails dès l’étape du scénario, et jusqu’à sa transformation en langage cinématographique.
« Je crois qu’écrire des personnages, c’est d’abord écrire leur âme, et ensuite chercher le corps qui recouvre et représente cette âme ».
Pouvez-vous nous parler de vos acteurs ?
Yaqoub est mon ami depuis des années, et comme nous avons toujours discuté de l’idée de faire quelque chose ensemble, il n’y avait à mes yeux personne d’autre que lui pour jouer le rôle de Nader. Quant à Norah, cela a été plus difficile. J’avais une image d’elle dans mon esprit, mais je ne savais pas si je la trouverais dans la réalité. Je crois qu’écrire des personnages, c’est d’abord écrire leur âme, et ensuite chercher le corps qui recouvre et représente cette âme. J’ai trouvé Maria Bahrawi deux semaines avant le début du tournage. Elle avait 16 ans à l’époque. Lors du casting, je ne lui ai pas du tout parlé du film, mais juste posé des questions sur sa vie. J’ai tout de suite vu en elle l’esprit de Norah.
Qu’avez-vous appris au cours de la réalisation de ce film ?
J’ai appris qu’un bon réalisateur doit être un leader et doit savoir quel est le meilleur moment pour écouter son équipe. En outre, le réalisateur doit être capable de comprendre l’âme d’une personne et de savoir comment extraire le meilleur des acteurs. Il doit également avoir un sens artistique très élevé car il a affaire avec des artistes, qu’il s’agisse d’acteurs, de photographes ou d’autres techniciens. Il doit enfin avoir une vision claire de ce qu’il souhaite voir à l’écran.