La plus précieuse des marchandises, le conte animé de Michel Hazanavicius
Première incursion dans l’univers du cinéma d’animation pour Michel Hazanavicius, qui adapte avec La plus précieuse des marchandises le roman éponyme de Jean-Claude Grumberg. Présenté en Compétition, le film est le fruit d’un travail de longue haleine pour le cinéaste et fait écho à sa pratique intime du dessin.
Comment ce projet est-il arrivé sur votre table de travail ?
C’est le producteur Patrick Sobelman et Studiocanal qui sont venus me proposer de réaliser l’adaptation du livre éponyme de Jean-Claude Grumberg. Il n’avait pas encore été publié et j’ai eu la chance de lire les épreuves avant qu’il ne soit édité. J’ai tout de suite été séduit et bouleversé par l’histoire. Il n’est pas si fréquent pour un réalisateur d’avoir l’opportunité de travailler sur un récit aussi fort, implacable et universel.
D’autant que vous êtes-vous même dessinateur…
Ce choix vient en effet faire écho à quelque chose d’assez intime puisque je dessine depuis mes 10 ans. Jusqu’ici, le dessin avait toujours été une pratique personnelle que je n’ai jamais cherché à exploiter. Pour être franc, cela a même été violent pour moi de montrer mes travaux réalisés pour le film. J’ai eu l’impression qu’on m’arrachait un membre car c’est toujours une pratique qui est restée très personnelle.
Comment s’est déroulée la collaboration avec Jean-Claude Grumberg, qui a consigné le scénario du film ?
Je connais l’esprit, l’intelligence et l’humour de Jean-Claude depuis toujours. Je côtoie sa sensibilité depuis que je suis enfant. Mais cette fois, elle m’a accompagné de près. Au cours de nos échanges, Jean-Claude m’a beaucoup guidé pour représenter la Shoah, bien qu’elle ne soit qu’un élément de contexte du film. Il n’a cessé de me rappeler que La plus précieuse des marchandises est avant toute autre chose une belle histoire, et non un film sur la Shoah.
“ Je voulais que le spectateur puisse avoir cette sensation de découvrir un classique. ”
Comment s’est passée votre plongée dans l’animation ?
De façon très empirique. Le milieu de l’animation possède un fonctionnement très spécifique auquel j’ai été contraint de m’adapter. Dans les premiers temps, je me suis retrouvé avec des objectifs en décalage avec certains modes opératoires très calibrés. Mais j’ai assez rapidement trouvé les quelques collaborateurs sur lesquels je pourrais m’appuyer. Ils avaient compris l’ambition du film et ont pu faire le lien avec les différents postes de travail.
Quels préceptes visuels souhaitiez-vous pour le film ?
En lisant le livre, j’ai vraiment eu la sensation de découvrir un classique. Je voulais que le spectateur puisse retrouver cette sensation dans le film. J’ai dessiné les personnages et les ambiances, mais je n’ai pas un trait classique, ce qui le rend difficilement transposable en animation. Il a donc fallu que nous procédions à plusieurs allers-retours avec les animateurs, le tout sans perdre de vue l’ambition artistique que j’avais en tête pour le personnage. Je souhaitais qu’elle amène quelque chose de profond, de presque mélancolique, pour donner la sensation d’un film qui avait toujours existé et remontait à la surface.
La voix Jean-Louis Trintignant, le narrateur du film, contribue à installer cette atmosphère…
La première chose que j’ai faite, lorsque Jean-Claude et moi avons bouclé l’adaptation du livre, c’est de visser le texte du narrateur et d’enregistrer Jean-Louis. Il était déjà malade et perdait la vue, mais cela a été une rencontre extrêmement touchante et bouleversante. Cette histoire a réveillé en lui des moments de son enfance et de sa vie. L’enregistrement a été une étape très émouvante du film.